Polypharmacie et fragilité : prévalence, relation et impact sur la mortalité dans un échantillon français de 2350 personnes âgées

M. Herr, J.M. Robine, J. Pinot, J.J. Arvieu, J. Ankri

Pharmacoepidemiology and drug safety. 2015;24(6):637-46

Les personnes âgées fragiles souffrent souvent de multiples pathologies chroniques et peuvent donc être particulièrement exposées au risque de polypharmacie. Les modifications de la composition de l’organisme (sarcopénie) et de la fonction des organes (diminution de la clairance rénale et métabolique) liées au vieillissement peuvent être accentuées chez les personnes fragiles, les rendant davantage vulnérables aux problèmes liés aux médicaments.

Cette étude de population transversale visait à évaluer la prévalence de la polypharmacie et de la fragilité, d’analyser leur association et de déterminer leurs effets, indépendants et combinés, sur la mortalité dans un échantillon de 2 350 français âgées de 70 ans ou plus.

Les participants ont été interrogés à leur domicile entre 2008 et 2010. La fragilité a été définie comme un trouble dans trois domaines ou plus parmi lesquels la nutrition, l’énergie, l’activité physique, la force et la mobilité, en l’absence de difficultés dans les activités courantes de la vie quotidienne. Les données relatives à la mortalité ont été documentées après un suivi moyen de 2,6 ans.

La prévalence de la fragilité s’est élevée à 17,0 %. La polypharmacie (5 à 9 médicaments) a été rapportée pour 53,6 % et une polypharmacie excessive (10 médicaments ou plus) pour 13,8 % de la population. Après ajustement des variables socio-démographiques et relatives à l’état de santé, la polypharmacie et la polypharmacie excessive ont été associées à la fragilité (rapports de risque respectifs de 1,77 [1,20-2,61] et de 4,47 [2,37-8,42]). La fragilité (rapport de risque [RR] de 2,56 [1,63-4,04]) et la polypharmacie excessive (RR de 1,83 [1,28-2,62]) ont été des indicateurs de mortalité indépendants. Par rapport aux personnes non fragiles non touchées par la polypharmacie, les personnes fragiles associées à une polypharmacie excessive ont été six fois plus susceptibles de décéder pendant la période de suivi (RR de 6,30 [3,09-12,84]).

Commentaire : Cette étude confirme que la fragilité et la polypharmacie sont répandues dans la population de personnes âgées, que la polypharmacie et la fragilité sont étroitement liées entre elles, et qu’elles sont toutes deux des facteurs prédictifs de mortalité. Une meilleure compréhension de la relation entre la polypharmacie et la fragilité et de leurs conséquences chez les personnes âgées est un défi majeur tant au niveau clinique que de la santé publique, car elle permettrait d’identifier une population susceptible de bénéficier d’actions préventives.